Pourquoi un projet de recherche sur l’impact de Thèsez-vous?

Depuis la première retraite de rédaction pour des étudiant.e.s aux cycles supérieurs en 2015, le développement et la mise en oeuvre des activités de rédaction de Thèsez-vous repose sur une intégration des meilleures pratiques documentées par la littérature scientifique et sur une évaluation continue. Initialement, des chercheur.e.s et des étudiant.e.s aux cycles supérieurs se sont concerté.e.s pour déterminer quel serait le cadre le plus favorable à la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse. À ce travail fondateur se sont ajoutées une évaluation d’implantation (Mathieu-C., Lanoue, Lorthios-Guilledroit, Desmeules et Parent, 2017, non publiée) et une analyse de retour social sur investissement (SROI) menée par le CLIPP afin de mesurer l’apport des services de Thèsez-vous à la communauté.
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Mais le besoin de comprendre et d’évaluer plus précisément l’impact des retraites de rédaction Thèsez-vous sur la persévérance et la réussite des étudiant.e.s ayant à rédiger un mémoire ou une thèse se faisait sentir. En 2018, Émilie Tremblay-Wragg élabore donc un projet de recherche postdoctoral sur la question. Elle mène ce projet en pédagogie de l’enseignement supérieur à l’Université de Sherbrooke, sous la supervision de Christelle Lison et en collaboration avec de nombreux chercheur.e.s. Ce projet reçoit l’appui du FRQSC (bourse postdoctorale, 2018).

Comment diminuer les taux d’abandon et de prolongation à la maîtrise et au doctorat?

La situation de l’enseignement supérieur appelle la réalisation d’une telle étude. Depuis les années 1960, le Canada connaît une forte augmentation du nombre d’inscriptions à des programmes universitaires de cycles supérieurs. Toutefois, cette tendance se double d’une augmentation des abandons puisqu’entre 30 et 50% des étudiant.e.s quitteront leur programme sans avoir obtenu leur diplôme (Association canadienne pour les études supérieures, 2004; Gouvernement du Québec, 2013; Lison, 2016). À ce phénomène s’ajoute une augmentation du taux de prolongation des études (Denis et Lison, 2016; Litalien, 2014). Tant les abandons que les prolongations occasionnent des coûts humains et financiers importants -- pour les étudiants, mais aussi pour les universités et le gouvernement (Litatlien et Guay, 2015).

​Or, à travers le monde, différentes initiatives à l’intention des étudiant.e.s et chercheur.e.s en rédaction produisent des résultats intéressants, notamment par le biais d’outils de planification, de groupes de soutien ou encore de retraites de rédaction structurées (Harriton, 2018; Kornhaber et al., 2016; St-Hilaire. 2016). En particulier, Murray et Newton (2009) ont montré que la participation à une retraite de rédaction a pour effets que les participant.e.s adoptent une meilleure discipline personnelle, qu'ils planifient mieux leurs objectifs de rédaction et qu'ils peuvent  s’identifier comme “rédacteur.trice”. De façon similaire, la revue systématique des écrits réalisée par Kornhaber et al. (2016) a permis de montrer plusieurs bénéfices des retraites de rédaction, incluant l'amélioration de la productivité des participant.e.s. La majorité des données disponibles sont toutefois partielles, qualitatives et concernent de très petits échantillons. De plus, rares sont les évaluations qui portent spécifiquement sur les étudiant.e.s aux cycles supérieurs, dont la réalité demeure différente de celle des chercheur.e.s à plusieurs égards.

Le cas des retraites de rédaction Thèsez-vous: évaluation de l’impact sur la persévérance et la réussite des étudiant.e.s

Qu’en est-il maintenant des effets des retraites Thèsez-vous? La recherche évaluera les retombées des retraites sous plusieurs angles: les effets sur la productivité scientifique, la mise en place de conditions favorables à la rédaction, le sentiment d’appartenance à une communauté de rédaction et la motivation à rédiger. L’évaluation des trois premiers aspects s’inscrira dans un cadre théorique basé sur une «approche de l’écriture» qui tient compte à la fois des déterminants internes et externes de la rédaction académique dans une perspective écosystémique (Kempenaar et Murray, 2016). L’évaluation de la motivation à rédiger s’inscrira quant à elle dans une approche sociocognitive de la motivation développée par Viau (1994). À cet effet, il est significatif que l’évaluation d’implantation (Mathieu-C. et al., 2017, non publiée) a déjà permis de faire ressortir les effets positifs des retraites sur la motivation à rédiger de l’étudiant.e.
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À partir de la recension des écrits, nous avons constaté que les retraites de rédaction Thèsez-vous sont les seules à être destinées à des étudiant.e.s aux cycles supérieurs provenant de diverses disciplines et universités. De plus, les retraites documentées dans la littérature scientifique sont offertes à des groupes restreints (10-15 participant.e.s), tandis que les retraites Thèsez-vous se distinguent par leur grand nombre de participant.e.s (entre 40 et 50). La présente recherche constituera donc un apport important à l’avancement des connaissances en pédagogie de l’enseignement supérieur en permettant d’explorer des alternatives au modèle dominant de retraite de rédaction.

Au-delà de la pertinence scientifique, la pertinence sociale

Considérant l’ampleur du problème de la prolongation et de l’abandon des études supérieures au Québec et au Canada, la contribution de ce projet se situe tant au niveau de la recherche que de l’application de solutions. L’accueil favorable et le soutien déjà reçu par Thèsez-vous de la part de nombreux partenaires du milieu de l’enseignement supérieur laisse croire que l’analyse de l’impact des retraites contribuera à la mise en oeuvre de solutions à grande échelle pour réduire le nombre d’abandons et de prolongations aux cycles supérieurs. Les institutions, les responsables de programmes, les directeurs de recherche pourront s’inspirer de ces résultats pour mettre en application des programmes, des modes d’encadrement et des stratégies afin de revoir les pratiques de rédaction en contexte universitaire.
Au final, l’apport de cette recherche sera non seulement scientifique, mais également sociétal, permettant d’affermir et d’orienter la mobilisation des acteurs et actrices du milieu universitaire afin de favoriser la contribution des jeunes chercheur.e.s au développement social et économique du Québec et du Canada en termes d’innovation, d’expertise et de diffusion de nouvelles connaissances.

La chercheure principale

Docteure en éducation, Émilie Tremblay-Wragg est chargée de cours à l'UQAM et cofondatrice de Thèsez-vous, un organisme à but non lucratif qui soutient les étudiant.e.s aux cycles supérieurs en période de rédaction. Ses principaux intérêts de recherche sont la pédagogie de l'enseignement supérieur, les stratégies pédagogiques diversifiées et actives, la motivation à apprendre et la formation initiale des enseignant.e.s. Elle réalise actuellement un stage postdoctoral sous la supervision de Christelle Lison à l'Université de Sherbrooke.

Les co-chercheur.e.s

Les co-chercheur.e.s sont Christelle Lison (Ph.D., UdeS), Sara Mathieu-C. (UdeM), Élise Labonté-Lemoyne (Ph.D., HEC), Marie-eve Gadbois (UQAM), Vincent Larivière (Ph.D., UdeM).

​Bibliographie

  • Association canadienne pour les études supérieures (2004). L’achèvement des études supérieures dans les universités canadiennes : rapport et recommandations. Ottawa, Canada : Association canadienne pour les études supérieures. [En ligne] http://www.cags.ca/documents/publications/working/achevement_etudes_supe_2004.pdf  
  • Denis, C. et Lison, C. (2016). Et si l’encadrement des étudiants au troisième cycle universitaire devenait une priorité? dans Karsenti, T. (dir.). Mieux former les enseignants dans la Francophonie. Principaux enjeux actuels et futurs (p. 375-385). Montréal : AUF.
  • Gouvernement du Québec (2013). Indicateurs de l'éducation. Québec : Ministère de l'Éducation. [En ligne] http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/statistiques_info_decisionnelle/Indicateurs_educ_2013_webP.pdf
  • ​Harrington, K. (2018). Harness the power of groups to beat the ‘PhD blues’. Nature: international journal of science, 559, 143-144. [En ligne] https://www.nature.com/articles/d41586-018-05589-w
  • Kornhaber, R., Cross, M., Betihavas, V. et Bridgman, H. (2016). The benefits and challenges of academic writing retreats : an integrative review. Higher Education Research & Development, 35(6), 1210–1227. DOI : 10.1080/07294360.2016.1144572
  • Litalien, D. (2014). Persévérance aux études de doctorat (Ph. D.). Modèle prédictif des intentions d'abandon. Thèse de doctorat inédite, Université Laval. [En ligne] http://docplayer.fr/2069905-Perseverance-aux-etudes-de-doctorat-ph-d-modele-predictif-des-intentions-d-abandon.html
  • Litalien D. et Guay, F. (2015). Dropout intentions in PhD studies : A comprehensive model based on interpersonal relationships and motivational resources. Contemporary Educational Psychology, 41,  218-231.
  • Mathieu-C., S., Lanoue, S., Lorthios-Guilledroit, A., Desmeules, I. et Parent, A.-A. (2017, non publiée). Bilan Thèsez-vous: Rapport de l’évaluation d’implantation des retraites de rédaction destinées aux étudiant.e.s aux cycles supérieurs, toutes universités et disciplines confondues.
  • Murray, R. et Newton, M. (2009). Writing retreat as structured intervention : Margin or mainstream? Higher Education Research & Development, 28(5), 541–553. DOI: 10.1080/07294360903154126
  • St-Hilaire, F. (2016). Syndrome de la page blanche et anxiété de performance. Dans E. Bernheim et P. Noreau (dir.), La thèse. Un guide pour y entrer… et s’en sortir (p. 180-193). Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.
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