Lorsqu’il est question de rédaction académique, une majorité d'auteur.e.s s’entend pour dire que le "binge writing" (séance de rédaction compulsive et prolongée, souvent motivée par l’approche d’une date de tombée) est néfaste pour l’inspiration, le bien-être, en plus d’être peu productif. La plupart de ces auteur.e.s basent leurs conclusions sur les travaux de Boice et/ou leur expérience personnelle. Certain.e.s spécifient que cette façon d'écrire tend à nourrir l’anxiété et la culpabilité entre les séances de rédaction. Voici un exemple de scénario couramment évoqué : "Après un mois sans toucher à ma thèse, je m’impose une fin de semaine de rédaction sans pause, de 8h à 18h". Un scénario qui suscite de la pression de performance et qui mène (trop souvent) au report de la séance de rédaction pour des raisons comme: "Je ne suis pas assez inspiré.e pour effectuer un tel blitz" ou "Vaut mieux attendre un moment plus propice". Paul Silvia, connu pour son ouvrage How to Write a Lot (2007), renchérit en stipulant que le "binge writing" alimente le sentiment d’écœurement à l’égard du projet de recherche de la même manière que lorsqu'on prend une (ou plusieurs!) bouchée de trop de notre dessert préféré. Bob Boice a été très prolifique en articles et en recommandations sur la question. Vous avez probablement déjà entendu son mantra: la meilleure façon de rédiger et de le faire un peu, tous les jours. Récemment, Helen Sword, auteure de Air & Light & Time & Space: How Successful Academics Write (2017) a apporté quelques nuances à cet adage particulièrement populaire. En effet, rédiger un peu tous les jours est sans équivoque une bonne stratégie pour s’attaquer à la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse. Toutefois, il s’agit ni de la meilleure façon, ni de l’unique façon de faire. Après avoir questionné plus de 1 000 étudiant.e.s et chercheur.e.s dans 15 pays, Sword va jusqu’à soutenir qu’il n’y a pas de corrélation entre productivité et rédaction journalière. Cette enquête met en lumière qu’il n’existe pas de stratégie qui corresponde à tous, à toutes. En fait, défendre une seule façon de faire entraîne surtout de la culpabilité chez les ceux et celles pour qui cette stratégie n’est ni efficace, ni réaliste. Nous avons approfondie cette question dans le cadre des activités de Thèsez-vous, dans le soucis d’encourager l’adoption de bonnes habitudes rédactionnelles et non l’inverse. Plus concrètement, nous nous sommes demandées : Est-ce qu'une retraite de rédaction est l'équivalent du "binge writing"? La réflexion qui en découle se décline en trois conseils appliqués lors des retraites, mais qui sont tout aussi valables pour les étudiant.e.s qui préfèrent une approche journalière de la rédaction. 1. Gérez votre rédaction avant que votre rédaction ne vous gère L’intérêt d’une retraite est que l’inscription implique nécessairement un engagement envers soi-même et un temps réservé, dédié, sans distraction. Que ce soit une heure tous les jours ou un blitz de trois jours par mois, l’intérêt est de planifier les séances et de ne pas se désister. Une fois que ces moments sont inscrits de façon ferme dans votre calendrier, c’est aussi une façon efficace de vous libérer de la pression de rédiger le reste du temps. Au niveau de la micro-gestion, il est aussi intéressant de planifier son temps en adoptant une approche de type "Pomodoro". En comparaison avec le "binge writing", l'adoption d'un horaire qui inclut d'emblée une alternance de travail concentré et de pauses permet de diminuer le sentiment d'écoeurement et d'épuisement, tout en facilitant la poursuite de plus longs blitz de rédaction, comme c'est le cas dans une retraite de rédaction. 2. Offrez-vous des objectifs SMART qui le sont vraiment Nous avons déjà abordé dans ce blogue l’intérêt de se doter d’objectifs de rédaction SMART. Après trois ans à tester l’approche lors de nos activités, il semble que ce soit un outils particulièrement utile pour les étudiant.e.s, peu importe le temps disponible. Cela dit, un problème récurrent est le mélange involontaire entre «je devrais» et «je peux». Selon vos idéaux, peut-être que vous devriez rédiger trois jours par semaine, mais le pouvez-vous réalistement dans le brouhaha de votre vie actuelle? Il est peu productif de se doter d’une armée d’objectifs si on ne les atteint jamais, d’où l’importance d’effectuer des diagnostics lucides régulièrement et de s’ajuster. La conclusion de ce diagnostic impliquera peut-être de reconnaitre que, considérant votre mode de vie et vos engagements professionnels et personnels, un "binge writing" planifié est l'approche la plus efficace et satisfaisante pour vous. 3. Vous n’êtes pas seul.e, profitez-en! Qu’il soit question de rédaction journalière ou de blitz ponctuels, le fait de se sentir engagé.e envers ses pairs, voire redevable à une communauté, est hautement favorable à la persévérance et au maintien d’une certaine discipline. Ce phénomène n’est pas propre à la rédaction, on l’observe dans une diversité d’activités, notamment dans la pratique d’un nouveau sport ou l’adoption d’habitudes alimentaires. Ainsi, malgré votre caractère solitaire et vos drôles de mimiques lorsque vous êtes concentré.e, il est fort probable que vous serez plus productif.ive si vous prenez rendez-vous avec d'autres étudiant.e.s dans le but spécifique de rédiger. En vous engageant ainsi, il sera plus aisé de privilégier la rédaction au détriment de d’autres dossiers et requêtes de dernière minute, simplement parce que vous l'avez promis à une autre personne que vous-même! En sommes, que vous ayez un faible pour la rédaction matinale du lundi au vendredi ou que vous soyez un.e adepte du "binge writing" mensuel, cela importe peu et risque même de varier dans le temps et selon votre situation. Plutôt que de vous imposer une seule façon de faire rigide, tentez de suivre ces trois conseils dans le prochain mois: (1) une planification précise et ferme dans votre agenda (2) qui inclut des objectifs SMART réellement adaptés à votre situation et (3) des rendez-vous avec des collègues tout aussi préoccupé.e.s par l’avancement de leur mémoire ou de leur thèse. Bonne rédaction! Par Sara Mathieu-C., cofondatrice et directrice de Thèsez-vous
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Pour plusieurs, la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse implique de longues périodes de solitude. Cet isolement est partagé, mais n’est pas vécu de façon similaire pour tous et toutes. Sans surprise, son intensité et ses conséquences se révèlent plus importantes chez les étudiant.e.s susceptibles de vivre des inégalités sociales. Comme le soulignais Alexie Labelle dans Le Devoir en juin dernier : l’université fait naufrage pour certains plus que d’autres et les inégalités (de genre, de sexualité, de race, de capacités, etc.) teintent grandement le parcours des étudiant.e.s aux cycles supérieurs . D'autres recherches comme celles de Janta et al. (2014) et Lovitts (2011) ont permis de souligner la rareté, voire l'absence, de relations signifiantes durant la période de rédaction, un manque qui agit comme un facteur de risque important lorsqu’il est question de prolongation et d’abandon. Parallèlement, on observe peu de ressources et un vide structurel quant aux occasions de permettre, au minimum, le partage de cette expérience difficile au fil du parcours académique. À l’inverse, l’intégration sociale au sein de la communauté académique peut jouer un rôle majeur sur la persévérance. Cela permet de comprendre et de vivre les codes de la communauté, d’accéder à des connaissances tacites et des ressources plus ou moins officialisées. Gardner (2010) va jusqu’à soutenir que ce processus de socialisation et d’intégration est le déterminant principal de la persévérance aux cycles supérieurs. À la lecture de ces écrits et en accordant une attention particulière aux témoignages des quelques étudiant.e.s en situation d’immigration ou d’échange qui ont participé aux retraites de rédaction Thèsez-vous, nous en sommes venues à la conclusion que nous avions le potentiel de faire une différence. Au-delà des vœux pieux, nous avons décidé d’en faire une priorité pour 2018-19 : Rendre nos services plus connus et accessibles aux étudiant.e.s qui font face aux nombreux défis de l’intégration dans une nouvelle communauté académique. Et notre partenariat avec le Programme canadien de bourses de la Francophonie en est une manifestation concrète. Vendredi dernier, Thèsez-vous a donc signé une entente avec l’équipe du Programme canadien de bourses de la Francophonie (PCBF). Grace à cette dernière, tous les boursiers et toutes les boursières du PCBF deviendront automatiquement membres de Thèsez-vous. De plus, le PCBF soutiendra les étudiant.e.s à la maitrise ou au doctorat pour qu’ils, elles puissent s’inscrire gratuitement aux retraites de rédaction. Le saviez-vous? Dans le cadre du Programme canadien de bourses de la Francophonie, le Québec reçoit chaque année des ressortissants de 37 pays membres de la Francophonie qui viennent poursuivre un diplôme aux cycles supérieurs. Il s’agit d’un parcours très exigeant et Thèsez-vous est particulièrement fier de pouvoir y contribuer. Que ce soit au futur Espace Thèsez-vous ou lors de nos retraites de rédaction, nos activités s’enrichissent par la participation d’étudiant.e.s dont les profils, les expériences et les expertises sont diversifiées. Nous avons vraiment hâte d’y retrouver les boursiers et boursières du PCBF !
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