L'équipe de Thèsez-vous? est toujours intéressée à publier vos témoignages, réflexions et envolées lyriques en lien avec la rédaction d'un mémoire, d'une thèse, ou encore sur les aléas de la vie académique. N'hésitez pas à nous soumettre vos textes! 28 avril. C’était mon deadline. Mon 3e! Et celui-là, j’allais le respecter. À quelques semaines de la date fatidique, il ne me restait que quelques corrections mineures et la bibliographie (l’esti de bibliographie, parlons-en!) à faire. Les deux dernières semaines avant le dépôt sont chaotiques. I mean, encore plus chaotique: tu dors mal, tu manges mal, tu es dans la lune et tu sucks à toutes interactions sociales. Tu aurais envie de t’enfoncer sous terre, de ne pas bouger et surtout de ne voir et ne parler à personne. Mais tu es incapable de fermer ton maudit document Word le soir venu et la seule chose qui te rattache à un semblant de vie sociale est la voix douce de ton chum qui te demande « Viens tu te coucher? » quand il juge que ça devient du zèle ton affaire. Quand la fin est imminente, tu te mets à rêver au après. « Je vais dormir, je vais faire du yoga, je vais cuisiner, je vais me reposer », me disais-je. Certains partent carrément en voyage, 1 mois ou deux, entre le dépôt et la soutenance. Une rupture complète. J’aurais aimé ça faire ça, mais pas vraiment. J’étais cassée comme un clou et j’avais l’énergie à -1000. Juste l’idée de lever mon backpack me fatiguait. « Oui, mais t’aurais pu aller dans un resort? » Non. Bref, tu déposes. Le temps que tu signes les papiers, tu n’es même pas véritablement heureuse parce que tu n’y crois pas vraiment. T’as l’impression que quelque chose va te sauter dans la face et que ça ne se terminera pas si facilement. Tes amis sont là pour t’encourager et tu ne sais pas comment agir vis-à-vis eux. Tu ne veux pas paraître trop heureuse pour pas tourner le fer dans leur plaie académique et avoir l’air de braguer, mais tu ne veux pas non plus être de marbre, comme si dans le fond, t’étais au-dessus de ça, toi, les dépôts de thèse. Tout ça est ben malaisant. Ensuite tu sors boire. Après 2 pintes, les dernières semaines (ou les 6 dernières années) te rentrent dans les genoux et tu veux juste ton lit. Ma première nuit, je me suis réveillée à 4 du matin en me disant que je devais (re)vérifier les espaces insécables dans ma conclusion. Pendant les deux semaines qui ont suivi, je me suis gardée bien occupée. Entre les corrections pour mon cours d’Introduction à la sociologie et l’ACFAS, j’étais en terrain connu. Après ça, j’ai (re)peinturer ma cuisine. Ça l’a fait du bien, un projet manuel. Et je me suis assise pendant plusieurs heures d’affilée avec de bons romans. La peinture a séché, la dernière page a été tournée et j’ai frappé un mur. Un vrai. Pas un mur d’analyse ou d’écriture comme je l’ai mille fois vécue pendant la thèse. Un mur de vie. Les questions existentielles pis toute! Qu’est ce que je fais? Qu’est ce que j’aime? Qu’est ce que je veux vraiment? Ça faisait 6 ans que j’étais sur le pilote automatique. 6 ans que j’avais le même but, que je ne me posais pas trop de questions. Now what? Je continue mon job étudiant. Agente de recherche, 25h/semaine. 25 heures, ça m’apparaît maintenant banal, voire inutile et les recherches sur lesquelles je travaille ne sont pas, a proprement dit, les miennes. Je n’y mets pas le cœur que j’ai pu mettre sur la thèse et ça me donne l’impression de botcher. Et c’est pas moi ça, botcher. Il y a les offres de postdoc qui viennent. Elles sont intéressantes, plus ou moins. Je regarde aussi les offres d’emploi d’un bord et le ventre de mes amies s’arrondir de l’autre. Je me sens perdue et je ne sais pas à qui en parler. Tes amis thésards n’ont pas envie de t’entendre dire que le post-partum de thèse ravage, alors qu’ils se démènent avec les vagues de fond de la rédaction. Ils ne font que ça, eux, aspirer être à ta place. Alors tu gardes ça pour toi. Plus le temps passe, plus tu te trouves niaiseuse d’avoir cru que boucler la thèse allait régler tes problèmes. Tu es encore épuisée, tu as la mèche courte avec ceux qui le méritent le moins, t’as toujours pas d’argent, tu as du temps libre, mais t’as envie de rien. Tu réalises que tu n’es pas plus adulte, plus responsable et plus accomplie que quand tu piochais sur la thèse. Tu te rends ben compte qu’elle a eu le dos large ta thèse et que t’as encore beaucoup de corrections mineures/majeures à faire. Mais pas sur ton manuscrit… sur ta personne. Billet rédigé par Émilie Audy, doctorante en sociologie à l’Université de Montréal et professionnelle de recherche au CIUSSS du Nord-de-l’île de Montréal. Ses recherches portent entre autres sur les négociations entre professionnels de la santé et usagers dans les suivis à domicile, notamment en périnatalité et en gériatrie. Psssst: Il existe plusieurs ressources accessibles à même les universités qui peuvent vous soutenir au fil des différentes étapes de la rédaction d'un mémoire ou d'une thèse.
N'hésitez surtout pas à les contacter si vous en ressentez le besoin!
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